ILE DE PAQUES_9_la fin des cultes rapanui_le destin dun peuple_photos

EtoileDeLune
nathalie & dominique cathala
Fri 22 Apr 2011 04:43
carte ile de paques,,
          wwwberphiskyrockcomSommaire du jour
Presque un siècle de non-dits
Make Make et l'homme oiseau
Un dix-neuvième siècle cruel pour les Pascuans.
Enlèvements sur l'île de Pâques
Découverte du "bois qui parle"
Les années noires
Une découverte capitale : le trait d'union entre les Moai et l'homme oiseau.
Les tablettes de Rongo Rongo
Vingtième siècle : le devenir d'un peuple
Un destin parsemé d'embûches
Initier un changement
Evénements décisifs pour l'avenir pascuan
Sources

Bonjour,

Après 1786 et les quatre grandes expéditions européennes sur Rapa Nui, les témoignages sont plus rares, trop rares. De ce "silence", émergent de nouvelles voix, en 1864. Entre les deux périodes que s’est-il passé? Toutes les statues qui jadis dressaient leur hauteur sur l'île sont couchées. La population est anéantie, elle ne se relèvera qu'au cours de la seconde moitié du vingtième siècle.

La fin des cultes rapanui et le destin d'un peuple


Presque un siècle de non-dits


Si les témoignages manquent sur l'île de Pâques, le temps ne s'y est pourtant pas arrêté. Il fait son oeuvre et renverse les Moai de leur piédestal. Certains se fient aux légendes et parlent de révoltes des clans, de guerres entre tribus qui verraient les belligérants s'en prendre aux Moai et les renverser par vengeance.
hommeoiseau_rapanui Au-delà de ces fables, et sans pour autant affirmer que le peuple rapanui était totalement pacifique, on peut néanmoins penser que l'usure due à l'érosion serait à l'origine de la chute de la plupart des Moai. Les navigateurs du dix-huitième siècle affirmaient que les "ahus" n'étaient plus entretenus. On peut légitimement penser que sans soin apporté aux soubassements des statues, celles-ci s'effondrèrent.

Make Make et l'homme oiseau
Au dix-neuvième siècle, les Rapanui ne façonnent plus de Moai, en revanche, ils continuent à travailler la pierre en y gravant des pétroglyphes. La plus grande concentration de ceux-ci se
trouve sur les hauteurs du cratère du Rano Kau, dans le village d'Orongo où l'on compte plus de 650 bas-reliefs. Avant l'abandon des Moai, la population gravait déjà la pierre, les Moai étaient "tatoués". Ils présentaient, sur les reins, des lignes et des courbes qui ressemblaient étrangement à certaines lettres de notre alphabet (sorte de "m" surmonté d'un cercle). Ainsi, le passage de l'art du Moai à celui du pétroglyphe se fit par une lente mutation, jusqu'à ce que la population se détourne définitivement des "anciens ahu" (autels).

Le seul espace sacré qui subsiste sur l'île au début du dix-neuvième siècle est donc Orongo. Là-haut, sur l'aplomb de la falaise de Rano Kau, tous les chefs et les prêtres de l'île se réunissent pour l'avènement du printemps. A cette occasion, chaque chef élit un représentant en charge de découvrir et de lui ramener le premier oeuf pondu par les sternes. Celles-ci, oiseaux pélagiques migrateurs, viennent chaque année se reproduire sur les îlots satellites du volcan Rano kau. A charge pour le "représentant" de descendre de la falaise en à-pic de rejoindre sur un radeau de roseau les îlots et d'attendre patiemment l'heureux événement, puis de revenir, à la nage, avec le précieux butin vers son maître. Le vainqueur de cette compétition est immédiatement intronisé "roi de l'île" ou le Tangata Manu (homme oiseau) jusqu'au printemps suivant. A l'occasion de sa nomination, un homme à la tête d'oiseau est gravé dans la falaise. Sur les bas-reliefs l'homme oiseau est accompagné d'un visage aux grosses joues et aux yeux globuleux représentant le Dieu créateur du monde rapanui, Make-Make. Outre ces deux représentations, l'on trouve partout une succession de trois traits sensés représentés le sexe de la femme. Ce culte perdure jusqu'à l'évangélisation des Rapanui en 1868.

Un dix-neuvième siècle cruel pour les Pascuans.


Enlèvements sur l'île de Pâques
En 1805, une goélette nord-américaine aborde l'île. Les habitants accueillent les nouveaux venus. Mais les marins ne sont pas là en mission "humanitaire". Ils ont pour but de "ramasser" le plus grand nombre d'habitants pour les utiliser comme "esclaves" dans les Îles Juan Fernandez. Les hommes sautent par-dessus bord, les femmes restent prisonnières. Dès ce jour-là, les Rapanui accueillent les étrangers à coups de pierres.

En 1862, le Pérou se souvient qu'il y a sur l'océan un bout de terre insignifiant où plusieurs centaines de personnes pourraient leur être utiles. Ainsi, sept à huit bateaux négriers opèrent des rafles de Rapanui (on estime le nombre à plus de 1400) pour les vendre aux exploitants des mines de guano des îles de Chincha. A chaque raid, les habitants se réfugient dans les tunnels de lave, afin d'échapper aux marchands d'esclaves. L'évêque de Tahiti, Mgr Tepano Jaussen, aidé du consul de France à Lima, M de Lesseps, intervient et dénonce l'injustice pour y mettre fin. Le frère Eugène Eyraud débarque en 1864 avec une quinzaine de rescapés des mines. Ceux-ci sont malades, atteints de tuberculose et de variole, et autres maladies vénériennes. Ils contaminent rapidement une population démunie devant ce genre de maladies.

Découverte du "bois qui parle"

etoiledelune_rongorongoEugène Eyraud reste huit mois auprès de la population. Il est le premier à découvrir l'existence des tablettes de "rongo rongo". En effet, partageant le gîte des Rapanui, il y voit des planchettes de bois gravées de signes étranges. Les Rapanui n'ont plus le moindre savoir concernant ces hiéroglyphes. Ils ne peuvent les déchiffrer ou seulement dire à quoi ces tablettes servaient. Seule évidence, ces signes de type boustrophédon (qui se lisent d'une ligne à l'autre en alternance de gauche à droite et de droite à gauche) sont également inversés d'une ligne à l'autre. Ils se rapprochent de dessins stylisés type homme à tête d'oiseau, poissons, tortues...

Les années noires
En 1866, le Frère E. Eyraud revient en compagnie des frères Hippolyte Roussel, Théodule Escolan et Gaspar Zumbohm. Ils bâtissent la première mission catholique. Le père Roussel, accompagné de trois Polynésiens des Iles Gambier, communique facilement avec les Rapanui (il parle couramment le polynésien et la langue rapanui est très proche). L'évangélisation de la population va bon train. La même année, Jean-Baptiste Onesime Dutrou-Bornier débarque sur l'île avec l'intention d'acheter des terres pour les exploiter. A cette époque, les Rapanui sont moins d'un millier. En seulement deux ans, Onesime Dutrou-Bornier montre des troubles comportementaux et il se déclare, le "premier roi" de l'île de Pâques. Il mène la vie dure à la population et aux missionnaires. Ses pratiques tyranniques initient un nouvel exode. Les missionnaires fuient avec cent soixante-huit Pascuans. En 1871 deux cent quarante-sept insulaires fuient les exactions de Dutrou-Bornier, ils trouvent refuge à Tahiti. En 1872, Pierre Loti, fait escale à Rapanui, il en ramène un journal lyrique et des dessins mondialement connus.

etoiledelune_rapanuiEn 1877 les cent onze rescapés décident que le tyran ferait une chute de cheval. Ainsi se finit le "règne" de Pito Pito (le despote). Mais avant de disparaître, Pito Pito, fait, par le plus grand des hasards, une découverte considérée encore aujourd'hui par les archéologues, comme "capitale. En effet, en 1868, le bateau anglais "Topaze" fait escale à l'île de Pâques. Dutrou-Bornier a besoin de matériel, il n'a pas d'argent pour payer l'équipage et propose un troc d'art local.

Une découverte capitale : le trait d'union entre les Moai et l'homme oiseau.
Avec l'aide de l'équipage du Topaze, Onésime déniche sur les flancs du volcan Rano Kau, caché dans une des maisons d'Orongo, un Moai, de type féminin dont le dos est gravé d'hommes oiseaux. Ce Moai semble parfait à l'équipage anglais du Topaze, il est de taille "raisonnable" et ils peuvent l'embarquer à bord. L'acheminement vers la rade abimera considérablement le ventre de la statue. Mais, il reste que cette découverte est capitale :si les prêtres rapanui gardaient cachés un Moai, là où ils pratiquaient leur nouveau culte et qu'en plus son dos est gravé d'hommes oiseaux, voilà le chaînon manquant entre les deux pratiques cultuelles. Les Rapanui ne laissent pas partir facilement ce Moai, qu'ils nomment "Hoa-Haka-Nana-Ia" (la briseuse de larmes). Ils se jettent à l'eau lorsque le Moai est hissé à bord de la Topaze, certains désirant suivre leur idole. Ce Moai est toujours visible au musée de Londres. Outre cette statue, l'expédition, emporte de nombreuses tablettes gravées d'une étrange "écriture".

Les tablettes de Rongo Rongo

En 1868, une épidémie de tuberculose décime la population, le frère Eyraud en meurt, il emporte avec lui, le secret des tablettes de bois gravées dont il n'a pas parlé à ses supérieurs. Mais, en 1969, l'évêque de Tahiti reçoit, des Pascuans, en cadeau, une de ces tablettes. Dès lors, l'écriture "rongo rongo" devient un centre d'intérêt archéologique. Avec le temps, Mgr Tepano Jaussen se procure plusieurs spécimens gravés, il répertorie signe par signe. Il cherche à savoir si ailleurs ce type d'écriture existe. Il découvre que dans la capitale de Java, à Batavia, une "écriture" similaire a été recensée. Par la suite, de nombreux chercheurs se sont succédé afin de trouver un sens à ces tablettes, mais elles n'ont encore livré que des questions et aucune vraie réponse. Peut-on parler "d'écriture"? Certains dénoncent le terme, pensant plus simplement que les Rapanui auraient jeté un coup d'oeil dans les carnets de bord des premiers navigateurs, ils auraient essayé d'en imiter l'écriture? Certains autres, persuadés d'avoir entre les mains une "écriture", trouvent, au début du vingtième siècle, des témoins moribonds dans la léproserie pascuane capables de "lire" les tablettes.Tous ces témoignages sont trop discutables pour en tirer de réelles conclusions. Certains défendent avec passion une légitimité et s'affrontent avec verve à leurs détracteurs.

A coup sûr, les ancêtres disparus ont laissé au coeur de l'île de Pâques un esprit doué pour la controverse...

Vingtième siècle : le devenir d'un peuple

pierre loti_rapanui
Un destin parsemé d'embûches
Toutes ces découvertes n'ont que peu d'influence sur le sort des Pascuans qui depuis le début du dix-neuvième siècle n'ont plus aucune prise sur leur destin. En 1888, le Chili annexe l'île de Pâques, volant la politesse au Pérou (plus proche). Mais cette annexion n'améliore pas la situation matérielle de l'île. A l'aube du vingtième siècle, la population croît lentement, ils sont à peine 230. Dès 1903, chacun doit abandonner son bout de terre pour être parqué autour de Hanga Roa, la partie sud ouest de l'île qui est encore aujourd'hui la seule partie de l'île habitée. Le reste du territoire est "cédé" à la compagnie anglaise Williamson et Balfour. Celle-ci est responsable de la dévastation des terres, par l'élevage intensif de ses moutons.

Du début du siècle jusqu'en 1960, le sort des Pascuans est peu enviable. Les navires qui y font escales envoient aux autorités chiliennes des rapports alarmants : "les natifs sont maltraités et exploités par les dirigeants de la Compagnie Williamson et Balfour qui occupent toute l’île." Outre la spoliation de leurs terres, les Pascuans meurent de la lèpre.

Initier un changement
Entre 1917 et 1935, le Chili commence à prendre la dimension du désastre pascuan. L'île est mise sous la protection de la marine chilienne, mais aucun médecin ou prêtre ne vit en permanence sur l'île. Cependant, les choses changent progressivement. En 1935, le Chili envoie, entre autres, le Père Sébastien Englert, Missionnaire Capucin de l’Auracania. Celui-ci reste 30 ans auprès de la population. Outre le soutien moral qu'il leur apporte, ce passionné d'histoire établira un recensement presque "exhaustif" de tous les Moai, une étude très fouillée du "rongo rongo". Lorsqu'il meurt en 1969, il laisse un souvenir si puissant aux insulaires qu'aujourd'hui le seul musée pascuan porte son nom.

En 1947, l'armée arrive avec des médicaments contre la lèpre et autres maladies qui déciment la population. La lèpre disparaîtra en 1960.

En 1953, l’île est définitivement libérée de la Compagnie Williamson et Balfour qui exploite la terre. Les moutons n'ont plus droit de cité sur l'île, la végétation revit. La marine nationale gouverne jusqu'en 1966, et une administration civile dirigée depuis Valparaiso (ville chilienne) prend la relève. Par ce fait, les Pascuans deviennent des citoyens chiliens à part entière et obtiennent le droit de vote.

Evénements décisifs pour l'avenir pascuan

rapanu_etoiledeluneEn 1955, commencent les travaux archéologiques de Thor Heyerdhal, dont je vous ai abondamment parlé dans les dossiers précédents. Il a l'idée de redresser le premier Moai du Ahu Ature Huki (plage d'Anakena). Cette expérience n'a pas eu comme seule conséquence de réédifier un autel sacré, elle a aussi un impact formidable sur la population relève la tête. Elle a pris conscience de son patrimoine. Peu à peu, elle va défendre son dû. Elle empêchera que les missions archéologiques emportent vers leurs musées nationaux tout ce qui leur tombe sous la main (du moins, il faudra encore attendre un bon moment pour parvenir à ce résultat). Mais la graine est plantée. En tout cas, à partir de cette expédition norvégienne, les archéologues, plutôt que d'emporter chez eux les vestiges d'une civilisation, travailleront sur place (notamment W. Mulloy et William Ayrès de l’Oregon). Ils trouveront des financements pour qu'un maximum d'autels sacrés ne ressemble plus à une masse informe de pierres effondrées, mais perpétuent le souvenir d'une nation qui dépensa une énergie considérable, un savoir-faire inouï et une imagination sans borne pour dresser face à l'océan le plus grand du monde leurs idoles.

En 1971, avec l'ouverture de la ligne aérienne "LAN", l'île sort de son isolement. Les vols commerciaux seront de plus en plus nombreux, ils apportent avec cette ouverture le tourisme, qui donnera un moyen de subsistance de plus en plus lucratif pour les Pascuans.

L'année 1978 marque un tournant de la vie pascuane. Il a fallu un siècle pour que la population se sorte des tyrannies imposées par les étrangers, des maladies apportées par eux, et enfin, ils voient sur leur terre, le premier archéologue pascuan. Le travail sur le site O Kava par Sergio Alejo Rapu n'est pas seulement celui d'une rénovation, il est aussi le symbole d'une nouvelle ère pour Rapanui. Celle où les habitants accèdent aux métiers qui étaient autrefois réservés aux étrangers.

En 1995, l’Île de Pâques est inscrite au PATRIMOINE MONDIAL DE L’HUMANITÉ PAR L’UNESCO.


Aujourd'hui, des lois défendent les droits fonciers des Pascuans : aucun étranger n'a le droit d'être propriétaire de la moindre parcelle de cette île.

Après ces épisodes historiques, nous vous emmènerons pour un tour de l'île, site par site en photos
A plus,
Nat et Dom
www.etoiledelune.net

Sources:
H i s t o i r e d u R o n g o r o n g o  1805 - 1869 Lorena Bettocchi
RONGORONGO : UN NOUVEAU REGARD SUR LA BANQUE DE DONNEES DE MONSEIGNEUR FLORENTIN ETIENNE JAUSSEN Lorena Bettocchi
H i s t o i r e d u R o n g o r o n g o 1900 - 1951 Lorena Bettocchi
Ile de Pâques par Daniel Pardon aux éditions Au vent des îles
Etudes de Catherine et Michel Orliac chercheur au CNRS diffusées par le site internet "Clio"
http://www.paperblog.fr/1387890/59828e-article-de-francois-dederen-moai-oiseau-homme-oiseau/
http://gaste.free.fr/rapanui/histoire.htm
http://www.geneanet.org/


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